Le 15 avril, nous nous sommes réveillés avec la nouvelle que la guerre avait éclaté au Soudan. De nos écrans, ma famille, notre communauté soudanaise et moi avons suivi les médias et les groupes WhatsApp, avide d’informations sur ce qui se passait à l’étranger.
Nous avons regardé de loin alors que les affrontements entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide se sont étendus jusqu’à Khartoum, causant le chaos, et transformant la capitale autrefois vibrante et familière en un véritable champ de destruction. Nous avons vu des vidéos circuler sur les réseaux sociaux de passagers effrayés se recroquevillant sur le sol de l’aéroport international de Khartoum alors qu’il était soumis à un violent bombardement. Nous avons vu des médecins évacuer leurs patients de l’hôpital Al Shaheeda Salma sur des civières et des lits après qu’il ait été bombardé. Alors que nous regardions la dissolution se produire sur nos écrans, nous nous sommes précipités sur nos téléphones pour prendre des nouvelles de la famille et de nos proches restés au pays.
Huit mois plus tard, nous sommes toujours rivés sur nos téléphones alors que Khartoum et d’autres parties du Soudan continuent de souffrir sous les bombardements.
Au mois de décembre, les affrontements avaient fait plus de 12 000 morts et déplacé 6,7 millions de personnes, dans ce que le chef humanitaire des Nations Unies, Martin Griffiths, a qualifié de “l’un des pires cauchemars humanitaires de l’histoire récente”.
J’ai regardé avec angoisse alors que les villes se sont transformées en zones de guerre et que mon image mentale du “foyer” s’est effondrée sous le déluge de roquettes, d’artillerie et de bombes. Comme de nombreuses autres familles soudanaises, nous avons dû pleurer la perte de proches à distance, y compris plus récemment mon grand-père, qui avait perdu l’accès aux soins de santé en raison de la guerre.
Les ravages des armes explosives en milieu urbain
Dès le début du conflit, les armes explosives ont détruit des foyers, y compris celui de ma propre famille, des quartiers entiers, et des infrastructures telles que des hôpitaux, des écoles et des stations de traitement d’eau. Au début du mois de novembre, le monumental pont de Shambat reliant Omdurman et Khartoum Bahri a été bombardé et détruit. Les cessez-le-feu censés permettre aux civils d’évacuer les villes sous les bombardements se sont effondrés ou ont pris fin trop rapidement, piégeant efficacement les civils chez eux dans des situations précaires en raison des bombardements.
Les conséquences des armes explosives en milieu urbain
Les armes explosives englobent toute une gamme d’armes tirées en surface et larguées par air, ainsi que d’autres munitions, notamment des bombes aériennes, des projectiles d’artillerie et de mortier, et des roquettes et des missiles. Ces armes sont souvent trop imprécises, ou leur rayon de destruction est trop large pour être utilisées dans des zones peuplées sans causer de préjudices illégalement indiscriminés.
Les exemples de l’utilisation des armes explosives en milieu urbain
La situation au Soudan ne représente qu’un exemple de ce qui se produit lorsque des hostilités surviennent dans les villes. Nous avons également Gaza, la Syrie et l’Ukraine où l’utilisation d’armes explosives rend les villes invivables.
En Syrie, des bombardements récents et des raids aériens à Idlib et à Alep ont déplacé plus de 120 000 personnes, tandis qu’en Ukraine, les raids aériens, les attaques de roquettes et d’autres munitions des forces russes ont touché des ports essentiels, des installations céréalières et endommagé des écoles et des hôpitaux, entre autres infrastructures civiles.
L’utilisation généralisée des armes explosives par l’armée israélienne a transformé Gaza, comme l’a dit le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en un “cimetière pour enfants”. De vastes parties de quartiers autrefois densément peuplés ont été complètement nivelées. Les groupes armés palestiniens ont également tiré des milliers de roquettes vers les centres de population israéliens.
Les impacts des armes explosives en milieu urbain
Les armes explosives non seulement tuent et blessent des civils, mais elles causent également d’importants dégâts aux lignes électriques, aux approvisionnements en eau et à d’autres infrastructures essentielles. Ces dommages peuvent engendrer des effets dits réverbérants ou durables qui peuvent causer des préjudices pendant des décennies. De plus, les restes non explosés de la guerre présentent une menace pour les civils pendant et après les hostilités et empêchent le retour en toute sécurité des réfugiés et des personnes déplacées.
La lutte contre l’utilisation des armes explosives en milieu urbain
Alors que ce paysage de désespoir et de ruine peut sembler inévitable, un produit de la guerre du XXIe siècle, il existe un potentiel d’action à l’échelle mondiale pour réduire l’utilisation des armes explosives.
L’année dernière, 83 pays ont adopté la Déclaration politique sur l’utilisation des armes explosives en zones peuplées, qui reconnaît officiellement pour la première fois la nécessité de s’attaquer à ce problème de manière urgente et directe. La déclaration engage les gouvernements et les armées à adopter des politiques et des règles d’engagement pour mieux protéger les civils contre l’utilisation des armes explosives en zones peuplées. Elle les engage également à élaborer de nouvelles normes et des standards contre le bombardement et le pilonnage de zones peuplées.
De nombreux pays dont les civils ont souffert des armes explosives en temps de conflit armé ont endorsé la déclaration, comme le Cambodge, la République centrafricaine et la Palestine. Elle a également été signée par des producteurs et des exportateurs d’armes explosives tels que la France, la Corée du Sud, la Turquie et les États-Unis. Le Soudan a reconnu et admis les préjudices causés par les armes explosives en zones peuplées, mais n’a pas encore pris d’engagement sur la déclaration à l’échelle nationale.
Bien que la déclaration ne soit pas juridiquement contraignante, il s’agit d’un grand pas dans les efforts visant à réduire la souffrance humaine lors des conflits armés. Une mise en œuvre efficace et une interprétation humanitaire de la déclaration sont cruciales pour protéger les civils.
Plus d’États doivent signer la déclaration et se tenir aux côtés des familles comme la mienne, du peuple soudanais et de tous ceux pris sous le feu de la guerre. Nous devrions saisir ce moment et œuvrer pour défendre les principes de la déclaration afin de diminuer le lourd tribut des armes explosives sur les civils.