L’accès permanent et à bas coût à un port de la mer Rouge est une question existentielle pour l’Éthiopie, a déclaré le Premier ministre Abiy Ahmed le 13 octobre. Il a souligné que d’ici 2030, la population de l’Éthiopie atteindra 150 millions d’habitants et qu’un pays de cette taille ne peut pas vivre en étant géographiquement enfermé. Depuis 1993, lorsque l’Érythrée a obtenu son indépendance après une guerre de libération de 30 ans, l’Éthiopie a perdu tous ses ports de la mer Rouge et est devenue le plus grand pays enclavé du monde. Elle dépend donc entièrement de ses voisins, en particulier de Djibouti, pour accéder aux ports et aux routes maritimes internationales.
Cependant, aucun des voisins de l’Éthiopie n’est obligé de lui fournir un accès bon marché et facile à la mer. Chaque pays voisin est un État souverain avec ses propres calculs géopolitiques et besoins, et a le droit d’utiliser sa côte comme levier dans ses interactions avec son voisin plus grand, plus riche et plus influent. Malgré cela, Abiy est déterminé à obtenir un accès favorable à la mer et aux principales routes commerciales internationales, d’une manière ou d’une autre.
Dans son discours du 13 octobre devant le parlement, il a proposé plusieurs solutions potentielles pour “libérer” l’Éthiopie de sa “prison géopolitique”. Tout d’abord, il a suggéré que les voisins de l’Éthiopie lui accordent un accès permanent et à bas coût à leurs ports en échange de parts dans des entreprises publiques lucratives telles que le Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD), Ethiopian Airlines ou Ethio telecom. Ensuite, de manière surprenante, il a évoqué la possibilité que l’Érythrée, Djibouti, la Somalie et l’Éthiopie fusionnent pour former un “très grand” pays avec un accès suffisant à la mer. Selon lui, cet État africain massif serait “un autre Russie, un autre Chine, un autre Amérique” sur la scène mondiale.
Cependant, une telle union ne serait pas une réunion d’égaux, mais une annexion coloniale par l’Éthiopie qui ne ferait qu’accroître ses intérêts géopolitiques et géoéconomiques tout en supprimant toute souveraineté de ses voisins. Le fait que le Premier ministre éthiopien plaide publiquement en faveur d’une telle arrangement devrait être une source de préoccupation pour tous ceux qui s’intéressent à la paix, à la stabilité et au développement en Afrique de l’Est.
De plus, Abiy a déclaré dans son discours du 13 octobre que l’Éthiopie a “des droits naturels” d’accéder directement à la mer Rouge, et que si ces “droits” lui sont refusés, “il n’y aura ni équité ni justice, et s’il n’y a pas d’équité ni de justice, tôt ou tard, nous nous battrons”. Bien qu’il affirme ne pas menacer la violence, ses commentaires passés montrent clairement qu’il considère l’utilisation de la force, au moins en dernier recours, comme une option envisageable.