Dessins animés meurtriers : L’art et l’imagerie du génocide

Le génocide n’est ‌pas un événement ; on ne se réveille pas ⁢un matin et ‌on⁤ ne commence pas à exterminer un peuple entier sans raison. ⁣Le génocide est ​un‌ processus ; il faut y ​arriver progressivement.

Et comme tous les processus, le génocide a ses étapes⁢ – 10⁣ étapes au total si l’on se réfère​ à la ‍liste préparée​ par⁤ le Dr ⁣Gregory Stanton, président fondateur et président de Genocide⁢ Watch, une ‍organisation qui​ fait exactement ce que​ son⁤ nom indique.

L’une de ces ⁤étapes est⁢ la déshumanisation. C’est une étape ⁢importante car commettre un génocide n’est pas facile ;⁢ tuer des hommes,‌ des ⁣femmes et des enfants par milliers a ⁣tendance à peser sur la psyché, ⁤à poser​ toutes sortes de questions inconfortables, à ⁣contrer toutes ​sortes de pensées indésirables qui s’insinuent ⁢même dans les esprits les plus ⁤fermés‌ comme des espions solitaires s’infiltrant dans une forteresse‌ bien gardée.

Ceux⁢ qui appuient sur la gâchette contre⁢ des enfants, ceux qui larguent des bombes sur des écoles ⁣et des ‍hôpitaux,⁣ sont après tout aussi ⁤humains​ que ceux qu’ils assassinent. Comment font-ils alors pour dormir la nuit ‌? Comment ne voient-ils ‍pas le sang sur leurs mains à chaque instant, comme Lady Macbeth errant dans ​les couloirs du château ⁣de Dunsinane ?

La⁣ réponse‌ est simple ; vous vivez ⁣avec⁣ cela en vous convaincant que ceux qui sont ⁤tués ne sont pas vraiment humains, ou⁣ du moins pas aussi humains que vous. Si vous faites cela correctement⁢ et⁣ de manière répétée, ‌vous ⁤vous convaincrez avec succès ⁤que le meurtre n’est pas un meurtre‌ ; c’est ​une⁣ extermination des nuisibles.

La déshumanisation⁣ doit être un processus continu, se déroulant en parallèle avec l’extermination réelle, car, voyez-vous, ce n’est pas seulement votre ⁢propre public que vous devez convaincre, c’est⁤ aussi les gouvernements et les publics des pays qui vous arment, vous aident, vous soutiennent et, dans​ certains cas, vous encouragent pendant que vous menez à bien⁤ votre sanglant⁢ mais nécessaire travail. Cela devient de plus en plus difficile à faire alors que les ‌bébés éviscérés ⁢s’accumulent‌ dans les cours des hôpitaux assiégés, ⁣que les sacs mortuaires ⁤encombrent les rues et que le monde⁢ diffuse en direct ‌l’apocalypse sur les smartphones.

C’est dans ce contexte ‍que doit⁤ être vue la caricature infâme du Washington Post ⁤de ​la semaine dernière.

Le 6 novembre, alors qu’Israël continuait à cibler délibérément ‍et directement des civils à Gaza​ dans des boulangeries, des hôpitaux ⁢et des maisons, tout en ‌annonçant clairement son intention d’éradiquer les Palestiniens, le‍ Washington ⁤Post a publié une caricature intitulée‍ “Boucliers humains”.

La caricature représente un homme aux⁤ traits bestiaux dans un costume ⁤sombre​ rayé, sur lequel ⁢est inscrit en⁢ gros⁤ caractères blancs⁣ “Hamas”. Son nez comiquement⁢ grand dépasse​ de sous des yeux creux couronnés de sourcils⁣ broussailleux. Il a plusieurs⁤ enfants ​et une femme arabe⁢ typiquement impuissante⁣ vêtue d’une abaya attachée⁢ à son corps. À sa gauche se trouve un drapeau palestinien et à sa droite une‍ image partielle d’Al-Aqsa et, bien sûr, une lampe à​ huile. Juste au cas ‌où le symbolisme ne ⁤serait pas assez clair. La caricature coche beaucoup de cases.

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