Les milices brutales : nouvel outil de l’Europe pour empêcher l’arrivée des migrants

Les milices brutales : nouvel outil de l’Europe pour empêcher l’arrivée des migrants

Après plusieurs jours en mer, Bassel Nahas raconte que tout semblait aller bien. Avec une centaine d’autres réfugiés, ce Syrien avait quitté la côte libyenne en direction de l’Europe. Nahas, dont le nom a été changé pour cet article, rêvait de commencer une nouvelle vie aux Pays-Bas, espérant y faire venir sa femme et ses deux enfants ultérieurement.

Le bateau, raconte-t-il au téléphone, progressait bien dans des eaux calmes. Ils ont passé plusieurs îles grecques malgré les drones de l’agence européenne de protection des frontières, Frontex, qui volaient au-dessus. Leur objectif, la côte italienne, n’était pas loin.

Mais, le 18 août, lorsque le navire est entré dans la zone dont Malte est responsable des opérations de recherche et de sauvetage, dit-il, un navire arborant le drapeau libyen s’est approché. Les passagers du bateau de migrants ont appelé l’équipage libyen en précisant qu’il y avait des femmes et des enfants à bord, raconte Nahas. “Mais ils nous ont accusés d’avoir des armes et de la drogue, et ils ont ouvert le feu sur notre bateau.”

Le navire libyen les a poursuivis pendant trois heures, dit Nahas, avant de contraindre violemment les passagers du bateau de réfugiés à monter à bord de leur propre navire. Frontex affirme qu’un de leurs drones a filmé la scène depuis les airs. Nahas se souvient qu’il a pu lire le nom de l’unité à laquelle les hommes appartenaient sur leurs uniformes : Tareq Bin Zeyad.

Les Libyens, poursuit-il, les ont pris en otage et les ont emmenés au port de Benghazi. Là, dans cette ville libyenne de l’est où il n’avait jamais été, les hommes ont maltraité les réfugiés. “Ils nous ont emmenés à l’intérieur et ont commencé à nous frapper”, raconte Nahas. “Ils nous ont frappés jusqu’à ce que notre corps devienne noir à cause des coups”. Les Libyens les ont ensuite jetés dans le port. Nahas raconte qu’il a passé des heures dans l’eau, le sel brûlant ses blessures.

“J’ai perdu connaissance à ce moment-là et je ne savais pas si j’étais mort ou non”, déclare Nahas.

Il est presque impossible de vérifier de manière indépendante le récit de Nahas sur la torture en Libye. Mais son histoire correspond à celle d’autres réfugiés. La Cour européenne des droits de l’homme a statué dès 2012 que les demandeurs d’asile en route vers l’Europe ne doivent pas être amenés en Libye en raison du risque de torture et de mort.

Cependant, l’Europe semble ignorer ce risque. Depuis des années, les responsables de l’UE travaillent en collaboration avec la garde côtière libyenne. La Libye est actuellement divisée en deux, avec le gouvernement reconnu internationalement contrôlant la partie occidentale et un gouvernement rival à l’est, qui contrôle Benghazi. La garde côtière dans la partie ouest du pays intercepte les demandeurs d’asile en mer avant qu’ils ne puissent atteindre les côtes de l’Europe.

L’UE forme et finance la garde côtière libyenne et a établi un centre de contrôle des opérations de sauvetage dans le pays. Pour l’UE, il s’agissait d’un arrangement confortable. Le gouvernement à Tripoli était responsable de la zone de recherche et de sauvetage du pays, c’est pourquoi ils recevaient les coordonnées des bateaux de réfugiés, affirmait depuis des années l’UE. Les Européens n’acceptaient aucune responsabilité pour ce qui se passait ensuite.

Mais les routes en Méditerranée ont changé. Depuis l’été 2022, de plus en plus de bateaux lancés par des passeurs de migrants partent de Benghazi et d’autres villes de l’est de la Libye. Et cette région n’est pas contrôlée par le gouvernement libyen reconnu par l’UE. Elle est plutôt dirigée par Khalifa Haftar, un seigneur de guerre lié au Kremlin de Moscou.

Haftar est soutenu par un réseau de milices, dont la brigade Tareq Bin Zeyad, ou TBZ, le groupe auquel Bassel Nahas affirme avoir été fait prisonnier en Méditerranée. La milice est sous les ordres de Saddam Haftar, le fils préféré du seigneur de guerre. Selon Amnesty International, ses hommes commettent des viols et des tortures, font disparaître des personnes et exécutent des prisonniers. Selon un rapport confidentiel de l’UE, ils sont soutenus par des mercenaires russes du groupe Wagner. La milice n’a pas répondu à une demande d’information envoyée par DER SPIEGEL.

Officiellement, l’UE se distancie de la milice. La TBZ n’est pas un “partenaire légitime”, déclare un porte-parole de la Commission européenne. “Nous ne traitons pas avec eux.” Mais est-ce vraiment vrai ? Ou se pourrait-il que l’UE ne se fie plus seulement à la garde côtière dans l’ouest de la Libye, mais coopère secrètement avec les voyous de Haftar à l’est ?Les Européens collaborent avec la milice Haftar pour ramener les migrants en Libye

La milice des Tareq Bin Zeyad (TBZ), connue pour ses activités de trafic d’êtres humains, est devenue un allié précieux pour les Européens dans leurs efforts de dissuasion contre l’immigration irrégulière en provenance d’Afrique. Toutefois, une enquête menée par plusieurs médias, dont DER SPIEGEL, a révélé que cette collaboration soulève de graves questions de légalité et de violation des droits de l’homme.

Selon cette enquête, certains navires européens, aidés par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), ont renvoyé de force des migrants en Libye, une pratique connue sous le nom de “pull-backs”. En vertu des traités internationaux, les Européens ont l’obligation de mener des opérations de sauvetage dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise, mais il a été prouvé qu’ils ont transféré les coordonnées des bateaux de réfugiés à la milice de Haftar, qui les a ensuite renvoyés en Libye.

La milice de Haftar agit comme une garde côtière non conventionnelle, souvent qualifiée de gang criminel, et elle a également des liens avec le trafic d’êtres humains en Libye. Les Tareq Bin Zeyad sont connus pour leurs vidéos sur TikTok et Instagram, où ils se montrent en Gucci et Louis Vuitton, armés de mitraillettes et de couteaux, et se vantent de leurs opérations de trafic d’êtres humains.

Cependant, il est important de noter que la milice TBZ n’était pas présente en mer il y a seulement quelques mois. Selon les recherches d’un politologue, qui a préféré garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, la milice TBZ est une organisation flexible qui prend régulièrement de nouvelles responsabilités. Elle compte actuellement entre 6 000 et 8 000 membres et dispose d’un navire, le Tareq Bin Zeyad, enregistré aux Émirats arabes unis.

Les Européens affirment qu’ils n’ont pas communiqué directement avec la milice TBZ lors des incidents de “pull-backs”. Cependant, des lois et des conventions maritimes claires établissent une chaîne de responsabilité dans les opérations de sauvetage en mer. Les experts en droit international soulignent que les Européens ne peuvent pas se décharger de leur responsabilité envers les personnes en détresse en mer.

Nora Markard, experte en droit international à l’université de Münster, déclare que la milice agit plus comme des kidnappeurs que comme des sauveteurs, soulignant que les Européens doivent assumer leur responsabilité et garantir que les secours soient pris en charge par d’autres acteurs compétents.

Cette collaboration controversée entre les Européens et Haftar met en évidence la nécessité de repenser les politiques migratoires européennes. Elle souligne également les dangers potentiels pour les migrants qui font face à des conditions inhumaines en Libye et à des risques de torture et d’abus.

Il est essentiel de mettre en place des mécanismes de coordination et de coopération solides pour garantir la sécurité et le respect des droits de l’homme des migrants en détresse en mer. Les décisions prises lors des opérations de sauvetage doivent être guidées par des principes humanitaires et répondre aux normes internationales.Le groupe armé libyen de Khalifa Haftar, connu sous le nom de Tareq Bin Zeyad (TBZ), joue un rôle crucial dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée. Non seulement l’organisation refuse de secourir les migrants en détresse, mais elle coopère également étroitement avec certains États membres de l’Union européenne pour empêcher les bateaux de migrants de traverser la mer.

Les autorités européennes, principalement l’agence Frontex, ont été accusées de collaborer avec le TBZ en fournissant des informations sur les coordonnées des embarcations de réfugiés. Cette coopération met directement en danger la vie des migrants, car le TBZ est connu pour ses méthodes brutales et sa violence envers les personnes qu’il intercepte.

L’Italie et Malte sont deux pays européens qui ont établi des relations avec Haftar et ses milices dans l’est de la Libye. Ils ont cherché à empêcher les bateaux de migrants de se rendre en Europe en fournissant une assistance financière et même une formation aux membres du TBZ. Cette coopération illégale a été perçue comme un tournant dans la gestion de la crise migratoire en Méditerranée.

De plus, les agences de surveillance maritimes de Malte ont été accusées de partager des données de surveillance avec le régime de l’est de la Libye, renforçant ainsi le rôle du TBZ en tant que garde-côte “officiel”. Cette coopération illégale est une violation flagrante du droit de la mer et met en danger la vie des migrants.

Ces actions soulèvent de nombreuses questions quant à l’engagement de l’Union européenne en matière de droits de l’homme et de respect du droit international. Malgré les discours humanitaires et les efforts visant à combattre les réseaux criminels de trafic de migrants, les preuves montrent que l’UE collabore avec des groupes violents et criminels dans le but de bloquer les migrants en Méditerranée.

Il est temps pour l’Union européenne de reconsidérer ses politiques migratoires et de garantir le respect des droits de l’homme et du droit international. Les actions illégales et inhumaines vis-à-vis des migrants ne peuvent être tolérées, et il est de la responsabilité de l’UE de mettre fin à ces pratiques et de garantir la sécurité et la dignité des migrants qui risquent leur vie en mer.

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